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Le mot de la présidente
Il est commun d'entendre que les Français ne s'engagent plus dans la vie publique, que les partis et les syndicats, et même les associations ne trouvent plus preneurs, que le nombre de leurs adhérents est en baisse générale et vertigineuse. Bref, le Français deviendrait individualiste, replié sur sa petite vie, indifférent aux malheurs du monde et au destin des hommes. Est-ce si vrai que çà ? Oui, les partis perdent des adhérents et n'ont plus guère de militants, oui le nombre de syndiqués est en régression, oui les associations ont beaucoup de mal à trouver des bénévoles. Le peuple français dont chacun s'accorde à louer le sens du politique et de l'intérêt général est-il en train de tomber dans le chacun pour soi ? Pas si sûr !!! Un exemple : les émissions de géopolitique trouvent leur public, ce qui ne risque pas d'arriver outre-atlantique ! Les Français savent juger les évènements avec recul. On ne leur a pas vendu une deuxième guerre du Golfe, ils ne se feront pas reprendre par un remake de Timisoara. Preuve de leur regard intelligent sur le monde. Ils soutiennent les manifestations de défense des retraites quand il n'y participent pas en masse, applaudissent les déclarations des intermittents avant chaque spectacle, encouragent les grèves des chercheurs, comprennent celles des enseignants quand on veut brader l'école, des électriciens et des postiers quand on veut détruire le service public, et même celle des cheminots… qui leur posent quelques problèmes. Voilà même qu'ils se sont remis à voter. Alors ? Si individualistes que çà les Français, qu'on trouve toujours présents aux grands rendez-vous ? Et si leurs partis et leurs syndicats les écoutaient un peu ? S'ils ne signaient pas en catimini avec un gouvernement ultra-réactionnaire des compromis inadmissibles, s'ils entendaient leur base quand celle-ci refuse d'abandonner la conception française de la solidarité, du service public, de la culture, de la nation, de l'Etat… ? Si les dirigeants s'enfermaient un peu moins dans leur supérieure, peut-être les Français retrouveraient-ils le chemin de l'engagement collectif. Le succès, en tout juste un an, de notre RESO nous conduit à l'optimisme. Marinette BACHE
La France repeinte en rose au soir du 28 mars pose autant de questions à la droite qu’à la gauche. Pour ce qui est de la droite, il serait fort étonnant qu’elle cherche à y répondre positivement ! Tous ses leaders affirmaient en chœur ce dimanche qu’ils ont « bien compris » le message sorti des urnes et qu’ils vont « accélérer les réformes dont la France a besoin. » ! La réforme des retraites, çà c’est sûr les Français en veulent plus ! La démolition du droit du travail, là aussi les Français veulent aller plus loin ! Et bien sûr ils attendent avec impatience la réforme de l’assurance maladie !!! Comment peut-on s’exprimer encore avec une telle langue de bois et ne pas voir que lorsqu’ils entendent le mot « réforme » les Français sortent leur « revolver » (. .. ou leur bulletin de vote !) ? « Réforme », « adaptation », « modernité », depuis plus de 20 ans tous ces termes ne sont que des paravents de la régression sociale. Et si la chose n’est guère neuve, il faut bien reconnaître qu’en 2 ans la surmultipliée a été passée ! Quelles que soient les différences de leurs mouvements, de leurs situations, de leurs revendications, ce n’est pas un hasard si les enseignants, les intermittents du spectacles, les travailleurs de GIAT Industries, les salariés d’EDF, les hospitaliers … rejettent les projets gouvernementaux. « Guerre à l’intelligence » titrait il y a quelque temps un magazine bon chic, bon genre. En fait, plutôt « arrogante prise de pouvoir du fric » - des possédants, comme auraient dit nos ancêtres – sur la société française. Faute d’avoir pu gagner dans la rue depuis un an et craignant de devoir mener et perdre d’autres batailles, le peuple vient de se munir d’une arme qu’il avait dédaignée depuis longtemps : le vote. Et, à gauche, quel espoir ? On pourrait croire qu’il y en a assez peu, à entendre certains ténors du PS qui défilaient ce dimanche devant les caméras en affirmant vouloir « lutter contre l’immobilisme … mais avec humanité » ! Faut-il avoir si mal compris le message des urnes aux régionales mais également les raisons du renvoi de Jospin et de toutes les majorités successives de gauche depuis 20 ans ? Est-il si malaisé de saisir que, quand l’électeur sanctionne la droite, c’est qu’elle fait une politique de droite, alors que, lorsqu’il abandonne la gauche, c’est qu’elle ne fait pas une politique de gauche ? Ces ténors, par leur attitude, ont même réussi à occulter le fait que nombre de responsables politiques de gauche semblaient, eux, avoir compris et que des centaines de milliers de militants et de citoyens sont prêts à se mobiliser pour faire échouer le gouvernement dans son projet d’avènement d’une société libérale. Alors, oui, un espoir existe à gauche ! Mais, pour qu’il se concrétise, le Parti Socialiste, premier parti de cette gauche, doit comprendre qu’ il ne trouvera pas le salut dans une fuite en avant européiste, que ce n’est pas dans la constitution européenne que le peuple trouvera le courage de faire front face à la mondialisation libérale. Pour qu’il se concrétise, il faut que la gauche se montre capable de bâtir un projet autour d’une vraie politique de réindustrialisation de la France, d’une exploitation raisonnée des ressources naturelles, d’une relance des services publics garants à la fois d’égalité sociale et d’aménagement du territoire, et d’un investissement conséquent dans l’avenir que ce soit à travers la recherche ou l’enseignement. Bref, dans un projet fondé sur l’écoute et la mise en musique du bon sens exprimé ces dimanches 21 et 28 mars par nos compatriotes. Alors chiche ? Marinette BACHE
Et maintenant la santé et la sécu ! Tels sont sans doute les premiers objectifs – pour après les élections, bien sûr ! - que se sont fixés le gouvernement Raffarin, la droite et le MEDEF, unis pour la tâche. Selon le principe « Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage » nous avons régulièrement droit au matraquage sur le déficit de la sécu (or les chiffres sont plus compliqués que çà, cf. le numéro de décembre 2003 de Réso), sur sa bureaucratie – trouvez-moi donc une assurance privée qui gère aussi rapidement et sans beaucoup d’erreurs une telle masse d’assurés ! Ceux qui ont eu à se faire rembourser un dégât des eaux par leur assurance habitation savent de quoi je parle ! -, sur le poids insupportable des prélèvements sociaux pour les entreprises (là soyez-en sûrs, on ne dira pas « le patronat », on dira « les entreprises », soyons modernement citoyens ou citoyennement modernes !) N’en doutons pas, nous allons continuer à avoir droit à la dangerosité du milieu hospitalier (Patrick Nivet évoque fort bien dans ce numéro la médiatisation des infections nosocomiales), à la lourdeur budgétaire (ben voyons ! Enfermé qu’il est dans le carcan d’un budget global établi sur des critères de gestion comptable, comment pourrait-il en être autrement ?). Bien sûr, on nous serinera qu’il faut « libérer l’hôpital de la réglementation et des procédures tatillonnes », car « ce dont souffre l’hôpital, c’est d’un défaut de management » et qu’ « il est temps de mettre les hôpitaux en concurrence » (sic Dominique Coudreau, ancien directeur de l’agence régionale d’hospitalisation de l’Ile de France). Oui, nous en sommes arrivés là ! Oui, les adversaires du service public accentuent leurs attaques. Nous avons laissé tomber dans le privé France Télécom et Air France, le système bancaire et les assurances; nous n’avons plus d’industries nationalisées au service du pays. Comment s’étonner dès lors que, nantis de ces victoires obtenues pratiquement sans combat, la droite aux commandes ne profite de ses pleins pouvoirs pour tout transférer au marché ? Eh bien, à Réso, nous « résistons » à cela. C’est l’objet d’ailleurs de nos bulletins, de nos « Place au débat » que de permettre l’expression de tous ceux qui n’acceptent pas de plier devant les oukazes des possédants (des « financiers » pour faire moderne) ou devant le fatalisme orchestré par les libéraux-sociaux, les sociaux-libéraux, les sociaux-démocrates ou les démocrates-sociaux de tous poils, qui, tous, ont capitulé et ne sont capables de réinventer la société qu’à partir de l’acceptation de leur défaite. Alors quelle joie pour nous, à Réso, de voir l’écho que nous avons suscité dans des milieux divers. Preuve, s’il en était besoin, que le libéralisme n’a pas atrophié les cerveaux, qu’il est encore possible de dire « non » et de débattre sans a priori.
Marinette BACHE
Après les retraites, après la santé et le plan hôpital 2007, après l’assurance maladie pour laquelle le ministre de la santé prépare un traitement de choc qui, au lieu de sauver le malade risque fort de l’achever, le gouvernement s’est attaqué au droit du travail lui-même : il ne s’agit plus seulement de mettre fin aux emplois-jeunes et de tourner autant que faire se peut la loi sur les 35 heures, il s’agit de remettre en cause les bases mêmes de notre législation sociale. En permettant à un accord d’entreprise de déroger à un accord de branche plus favorable, c’est tout l’édifice patiemment mis en œuvre par des années de luttes pour tirer par le haut les droits des salariés qui se trouve ainsi atteint. Et voilà que, comme si ce n’était pas suffisant, le ministre FILLON invente le contrat de travail à durée déterminée illimitée ! Oh bien sûr, dans un premier temps ne seraient concernés que quelques centaines de salariés très qualifiés. Mais les organisations syndicales ont bien compris le danger : si on accepte une petite brèche, c’est bientôt un grand trou que l’on verra dans notre droit social. Ce n’est pas les promesses de Jacques Chirac dans ses vœux du 31 décembre qui peuvent nous rassurer. Comment oser nous dire que la priorité sera mise sur l’emploi quand le chômage remonte, quand les entreprises licencient à tour de bras, quand on radie par dizaines de milliers les chômeurs des fichiers de l’ANPE, quand on supprime des dizaines de milliers d’emplois dans l’enseignement, les impôts, à la SNCF, à France Télécom, à La Poste ? Pour notre part nous n’émettrons qu’un vœu : que les salariés prennent conscience de la nécessité de se battre collectivement contre ce système libéral et antisocial en réinvestissant massivement les syndicats et les partis politiques qui n’ont pas renoncé au progrès social. Les hommes et les femmes qui en sont membres doivent se parler, travailler ensemble, se donner pour objectif d’élaborer en commun l’esquisse d’un projet social porteur d’espérance et capable de donner à la jeunesse de notre pays l’envie d’agir et de se battre. Ce n’est qu’à cette condition qu’une nouvelle donne peut apparaître et qu’une large majorité de nos concitoyens retrouvera le chemin des urnes. A Résistance Sociale nous essayerons de notre mieux d’agir en ce sens dans les mois qui viennent, à travers des débats, des réunions, des actions collectives. Ce sera notamment le rôle des antennes locales que nous allons prochainement mettre en place. Pour qu’enfin l’espoir succède à la lassitude et au renoncement !
Marinette Bache
Le libéralisme serait-il en train de triompher en France ? Jamais, sans doute, l’idée libérale n’a semblé autant avoir gagné les esprits au point que ceux qu’elle menace ne se battent plus.
On a pu le constater récemment avec la grève à France Télécom. Malgré la menace de privatisation de ce service public qu’introduit la loi actuellement en discussion au Parlement (l’Etat ne devrait plus détenir la majorité du capital), rares étaient les salariés qui se sont mobilisés le 3 décembre à l’appel des syndicats. Sur le plan politique, on cherche en vain un véritable projet capable de constituer une alternance. Le PS ne semble pas prêt à rompre avec le social libéralisme qui l’a pourtant conduit à l’échec le 21 avril, les Verts ne paraissent pas davantage capables de porter un autre projet économique, le PC a du mal à définir une stratégie et partant un projet crédible aux yeux des électeurs, le MRC est un trop petit parti, privé de surcroît d’une tribune où se faire entendre, faute de députés à l’Assemblée. Quant à l’extrême gauche, sa seule fonction est de critiquer, sans rien proposer à la place.
Côté syndical, rares sont les organisations prêtes à s’opposer vraiment au libéralisme et à ses conséquences. Certaines vont même jusqu’à dérouler pour lui le tapis rouge en appelant à soutenir la « Constitution Européenne » !
Faut-il pour autant désespérer ? Je ne le crois pas. D’abord parce que, chaque fois qu’ils en ont l’occasion, les citoyens montrent leur attachement aux services publics et à l’Etat. On l’a vu en juillet dernier en Corse, on vient de le voir le 7 décembre avec la victoire du Non au référendum sur le changement d’institutions proposé à la Guadeloupe et à la Martinique. Ensuite, parce que la prise de conscience du danger du libéralisme gagne petit à petit la base des partis comme des syndicats. Ce n’est pas un hasard si la CFDT paie aujourd’hui le prix fort après avoir soutenu comme elle l’a fait le projet Raffarin/Fillon sur les retraites. Autre signe : la persistance de la contestation des intermittents du spectacle qui continuent à lutter courageusement contre la modification de leur couverture sociale ou le nombre important de participants au rassemblement du Larzac cet été.
Les plus anciens d’entre nous se souviennent qu’en 1969, au lendemain de 1968, il y avait encore moins de députés de l’opposition qu’aujourd’hui et les syndicats guère en meilleur état malgré un nombre d’adhérents bien plus important. Pourtant, 13 ans après, il y a eu le 10 mai 1981. Cela prouve que le combat n’est jamais vain et que, si on en a la volonté, on peut renverser les murs et les montagnes. A RESISTANCE SOCIALE, nous y sommes prêts !
Déclin industriel : Mythe ou réalité ? (Article paru dans un journal régional)
Par Jacques Decaux, syndicaliste, correspondant de Résistance Sociale en Seine Maritime
Entre 1980 et 2002, l’emploi industriel a subi une chute vertigineuse. Un million quatre cent cinquante mille emplois ont été supprimés. La course à la monnaie unique, les sacros saints critères de convergence en sont les premiers responsables,qui ont conduit à la disparition d ’un grand nombre de grands établissements industriels,comme notre sidérurgie,nos chantiers navals,le textile,etc Si la part globale de l’industrie dans la production des richesses nationales est restée stable depuis 1980 (autour de 16 %), on note cependant une baisse sensible des biens de consommation, rançon de la baisse de pouvoir d’achat des ménages. Mais peut-on parler de déclin industriel quant la valeur ajoutée produite en moyenne par salarié a été multipliée par 2,5 sur les 20 dernières années, en augmentant d’ailleurs les profits au détriment des salaires.
Désindustrialisation
La France dispose d’atouts non négligeables. Ses parts de marché vis à vis des autres pays de l ’OCDE restent en 2002 supérieures à leur niveau moyen des 15 dernières années et c’est en France que les coûts unitaires de main d’œuvre ont le plus baissé. Et si la chute de l’emploi industriel marque le déclin de certaines régions et occasionne des souffrances aux populations concernées,la France est tout de même le troisième pays destinataire des investissements étrangers en 2002.La désindustrialisation du pays,n ’est en fait que le résultat des externalisations et délocalisations des entreprises industrielles et la dégradation du tissu industriel n ’est donc qu ’un mythe,pour encrer l’idée du caractère inéluctable des solutions de restructuration imposées,ainsi que l ’obligation de remettre en cause les garanties sociales pour garder une place dans la compétition internationale,et répondre aux exigences de rentabilité à deux chiffres (plus près de 15%que de 10). Dans la métallurgie, 45% de l’effectif actuel a plus de 45 ans et devra (selon l ’UIMM), quitter les entreprises dans les 10 prochaines années. Parallèlement, peu d’embauches ont été réalisées. Les départs massifs dans les prochaines années comparées à la faiblesse des embauches réalisées, remettront en cause la pérennité de nombreux sites industriels. D’autre part, peu d’efforts sont attribués en recherche et développement (1.38%du PIB en 2002).C ’est pourtant un enjeu majeur, tout comme la formation professionnelle.
Vieille lune
Le Président d ’ALCATEL, a prétendu que la France n’aurait d’avenir que dans la création et la conception, la production devant être confiée à des pays à main d’œuvre minima,(j ’ajoute :pouvant se trouver proches de nous maintenant que l ’Europe s ’identifie à la grenouille de la fable,l ’issue pouvant bien sûr,se montrer similaire). Cette idée prétendument moderne, est en fait une vieille lune, médiatisation soudaine du recours à la sous-traitance, car le raisonnement de la mondialisation néo-libérale est simple; le coût des facteurs n’est pas le même dans tous les pays, chaque produit intègre une combinaison différente et les produits s’échangent librement d’une zone à une autre. Il est donc avantageux de faire fabriquer là où la combinaison est la meilleure et par conséquent, chaque pays est amené à se spécialiser sur les productions où il y a un avantage comparatif. C’est sur ce raisonnement que se fondent la plupart des délocalisations, impliquant plus le déplacement des productions que celui des entreprises elles-mêmes. Le non-dit de ce modèle bien ancien, la défaisance sociale, étant la contre partie obligée, imposée à des populations laissées pour compte, dans des régions condamnées. Les coups portés aux modèles sociaux sont lourds: renégociation systématique des accords (salaires, temps de travail,primes)et parfois changement de convention collective, exibilisation et intérim, et bien souvent il faut le dire,pratique anti-syndicales. J.D.
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