Intersyndicale du réseau CNDP/CRDP [SCÉRÉN]

29, rue d’Ulm – 75230 Paris Cedex 05

intersyndicale@cndp.fr www.nodeloc.net

 

Le 22 janvier 2004

 

Une seule urgence : le temps de la réflexion

Communiqué n° 33

 

Le mardi 20 janvier, le colloque « Ressources pédagogiques : pour un service public » s’est tenu dans les locaux de l’Assemblée nationale, à l'initiative de l'Intersyndicale du réseau CNDP et de l'association Nodeloc et à l'invitation de Noël Mamère.

Devant une salle comble, des personnalités venues du monde de l’éducation, de la culture et de l’édition et s’appuyant sur leurs expériences de collaboration avec le CNDP, ont témoigné du rôle essentiel que l’établissement et son réseau jouent dans le service public d’édition et de documentation pour les enseignants ainsi que pour les élèves : production d’outils pédagogiques en cohérence avec les projets éducatifs et proposant un accompagnement approprié aux utilisateurs ; offre de ressources et de services sur tous supports ; appui à l’innovation pédagogique ; maîtrise des techniques de l’information et de la communication.

Tous ont conclu à l’absurdité qui consisterait à éloigner le CNDP de ses partenaires, qu’ils soient institutionnels ou non. Raymond Aubrac, à partir d’une action de délocalisation dont il a professionnellement suivi l’évolution – une action réussie parce qu’elle entrait dans un projet cohérent et reconnu comme tel par les personnels concernés –, a déclaré ne trouver aucun sens dans la transplantation du CNDP et juge qu’elle « ne peut qu’aller à l’échec ».

Hélène Luc (sénatrice du Val-de-Marne, PC), Anne Hidalgo (première adjointe au maire de Paris, PS), Noël Mamère (député de Gironde, Verts), Yves Durand (député du Nord, PS), Nicole Touquoy-Morichaud (conseillère régionale, MRC), Francine Bavay (conseillère régionale, Verts) ont dénoncé, outre le scandale d’une délocalisation à Chasseneuil-du-Poitou au profit exclusif de la région du Premier ministre, la logique politique de démantèlement d’un service public : l’opération ne craint plus désormais de s’afficher comme une suppression de missions entrant dans les attributions du CNDP.

Devant cette situation alarmante et emblématique, après les mauvais coups portés à la recherche par une politique du tout libéral et de la rentabilité immédiate, les représentants syndicaux et politiques présents ont décidé du lancement d’un Comité de suivi qui a trois objectifs : élaborer un contre-projet à la délocalisation, défendre le CNDP et le réseau contre les nouveaux coups qui leur seraient portés, préparer des Assises du multimédia éducatif.

 

Pendant que, parallèlement au débat sur l’école dans l’hémicycle, se déroulait ce colloque riche des pistes de réflexion ouvertes et de la convergence des points de vue et soutiens exprimés, le CNDP continuait sur son erre de vaisseau fantôme. En effet, depuis que Claude Mollard a quitté la rue d’Ulm le 9 janvier, sèchement remercié de ses fonctions de directeur général malgré le zèle déployé au cours des derniers mois auprès du gouvernement Raffarin, l’établissement est livré à lui-même : aujourd’hui encore, la vacance du poste demeure et depuis treize jours aucun document décisionnel ne peut plus être signé. Notons simplement qu’un universitaire de Paris 8, Alain Coulon, s’est présenté le 19 janvier et a présidé un comité de direction… sans avoir été nommé.

 

Constatons enfin que, selon le compte rendu officiel de « la table ronde du 18 décembre 2003 relative aux conditions de la délocalisation du CNDP », François Perret, directeur du cabinet du ministre délégué à l’Enseignement scolaire, a notamment déclaré : « Des arbitrages seront rendus rapidement sur les missions de l’établissement afin de préparer un contrat d’objectifs et de moyens et modifier, si nécessaire, son statut. Le contrat devra être formalisé avant le mois de juillet 2004. (…) Les arbitrages seront rendus dans un délai d’un mois. (…) Les arbitrages qui seront pris s’appuieront entre autres sur les travaux des groupes. Ces décisions, qui portent sur les missions du CNDP, conditionnent l’installation de nouveaux services à Chasseneuil-du-Poitou à l’automne 2004. »

D’où il résulte que :

1) les réflexions des groupes ministériels serviront de base à la suite du processus : la valeur de leurs travaux est reconnue et « saluée » ;

2) des arbitrages restent bien à rendre, puis dans un second temps des décisions administratives à prendre, qui peuvent inclure l’élaboration d’un nouveau décret redéfinissant les missions du CNDP et prenant en compte « l’évolution éventuelle du statut des CRDP pour mobiliser les collectivités territoriales sur le financement des ressources éducatives » : bref, nous n’en sommes nullement à appliquer de futures décisions qui n’existent pas – du coup, la fébrilité et le zèle chasseneuillais de certains cadres du CNDP n’en apparaissent que plus intempestifs et d’une imprudence grave ;

3) le transfert de nouveaux services est en effet, de façon tout à fait explicite, suspendu par la conclusion de la table ronde (« conditionnent » !) aux décisions en question : une démarche aussi complexe (arbitrages ► décisions ► nouveau décret ► contractualisation avec le ministère) implique forcément, tout comme le préconise la synthèse du groupe de travail sur les missions et l’organisation du réseau (recommandation n° 5), une révision de l’organigramme voté au CA si extraordinaire du 24 juillet 2003 : comment envisager l’organisation des services du CNDP tant que n’ont pas été clarifiés avec la tutelle les missions et les moyens du réseau CNDP/CRDP ? La suite logique est bien : quelles missions et objectifs ? ► quels moyens ? ► quels services pour mettre en œuvre cette politique ? ► où ces services doivent-ils être implantés afin de répondre au mieux à leur cahier des charges  ?

Il importe ainsi de stopper net le processus de délocalisation, puisque ce qui a été déjà « accompli » – si mal et de manière juridiquement si aventureuse – n’apparaît que comme un méchant brouillon, bâclé et fait en dépit du bon sens : la copie est à refaire !

 

Les personnels du CNDP restent donc mobilisés et plus vigilants que jamais, qu’il s’agisse de la précipitation caractérisant la « traite » des précaires et des enseignants, ou du choix, comme cabinet privé d’aide au reclassement, d’une entreprise imbriquée financièrement et idéologiquement avec le Pôle universitaire privé Léonard-de-Vinci (« la fac de Pasqua »). Ce qui était inacceptable le demeure...

Ils continueront avec la même résolution inébranlable, fruit de leur réflexion collective et de la raison, à s’opposer à ce qu’ils estiment en toute logique être la destruction d’un service public d’éducation, au nom des intérêts électoralistes du Premier ministre et des intérêts du libéralisme économique.

 

Taxe Professionnelle :

Les promesses clientélistes du Président de la République

Le Président de la République a annoncé le 6 janvier 2004 dans le cadre de sa politique pour l'emploi l'exonération de la taxe professionnelle pour les investissements réalisés dans les 18 prochains mois et la suppression de la taxe professionnelle dans sa forme actuelle.

Sur le premier point, il faut savoir que la taxe professionnelle de l'année en cours est calculée sur la base des investissements de l'avant dernière année civile précédente. Concrètement, les investissements réalisés en 2004 et 2005 serviront à calculer la taxe professionnelle 2006 et 2007 payable respectivement avant le 01 mai 2007 et 2008.

L'impact sur l'emploi au demeurant illusoire, est donc repoussé au-delà du terme de l'actuel mandat présidentiel ce qui relativise la portée immédiate de cette mesure.

Mais l'important est ailleurs : après la suppression de la part salariale décidée en 1998 par le gouvernement Jospin, la taxe professionnelle des entreprises industrielles et commerciales n'est plus calculée, pour l'essentiel, que sur les immobilisations.

La remise en cause de cette taxation supprime de fait, la Taxe Professionnelle dans sa forme actuelle. C'est la deuxième annonce du président qui ne donne aucun détail sur le nouvel impôt professionnel susceptible de la remplacer.
Dès lors, c'est toute l'économie des impôts locaux qui se trouve bouleversée et, en l'état actuel des choses, la baisse de la taxe professionnelle se répercute mécaniquement sur les impôts locaux des ménages comme en témoignent les données de l'année 2002 . 

 

2002

Milliards d'€

Evolution 2002/2001

Taxe Professionnelle

18,7

-1,8

Taxes foncières

17,1

+5,6

Taxe d'habitation

9,5

+6,8



 

Pour le SNUI, il faut engager la réforme de tous les impôts locaux y compris la taxe d'habitation, actuellement l'impôt le plus injuste. Se limiter à la seule taxe professionnelle serait injuste et pénalisant pour les ménages.

Le MEDEF a un objectif affiché : supprimer purement et simplement toute taxe professionnelle à la charge des entreprises.

Le gouvernement cèdera-t-il une nouvelle fois à cette injonction ou s'orientera-t-il vers une réforme d'ensemble ?

Tels sont les termes d'un débat ouvert de la plus mauvaise des manières par le Président de la République

 

Article paru dans Libération du 21/01/04, le point de vue de Bernard Thibault.

Défendons la Sécurité sociale

 

Par Bernard Thibault secrétaire général de la CGT.

 

Au moment où le débat sur l'avenir de l'assurance maladie va gagner en intensité, je crois utile de revenir sur l'insécurité sociale générée par le chômage et la précarité du travail qui gangrène notre société et mine notre système de protection sociale.

La fragilisation dans la relation salariale est la source de nos premières difficultés dès lors que notre pays a fait le choix, à juste titre, il y a des décennies, d'opter pour un modèle de protection sociale dont le financement est fondé sur le travail. Le contrat de travail inclut bien l'accès à l'emploi et le droit à la protection sociale.

Il s'agit, au sens propre du terme, d'un pacte entre générations comprenant la retraite mais également la santé et la famille. Cet édifice se fissure par le volume de "chômage durable", d'emplois précaires de toute nature tant la palette des CDD, temps partiels subis et petits boulots est immense.

La situation pour les nouvelles générations est ainsi fortement détériorée. La précarité de l'emploi combine la baisse sensible des salaires d'embauche et l'extrême difficulté à amorcer puis à construire un parcours professionnel évolutif et motivant.

C'est pourquoi il est consternant, sauf à prendre pour argent comptant la litanie obsessionnelle du patronat, d'entendre les déclarations récentes tendant à instaurer une nouvelle forme de contrat de travail à durée déterminée.

Faudrait-il saluer les entreprises parce qu'elles sont créatrices d'emploi mais ne jamais contester les principes de leur gestion qui provoquent sous-emploi et chômage ?

On demande ainsi à la solidarité familiale de venir partiellement compenser cette inégalité structurelle croissante. Mais chacun constate les méfaits d'une conception politique où la famille et son patrimoine viennent se substituer à la solidarité collective. N'a-t-on pas entendu récemment un banquier préconiser que la Sécu se rembourse des coûteux frais générés par un malade en s'emparant de son héritage après son décès ?

Il existe bien un rapport dynamique et incontournable entre création et développement de l'emploi, valorisation du travail salarié garantie et efficacité de notre protection sociale.

Pour certains qui feignent d'ignorer cette évidence, il est tentant de revenir sur les choix qui soustraient à la logique de la rentabilité la couverture des principaux risques sociaux.

Les orientations du patronat montrent que ce dernier conserve la nostalgie pour le mélange de charité administrée et de contrôle social qui fonda, avant 1945, l'alliance entre le paternalisme privé et l'ordre public. Afficher une responsabilité sociale de l'entreprise ou relayer la conception de développement durable est une chose, en assumer toutes les contraintes du point de vue de l'entreprise en est une autre.

Parce que les objectifs que s'était assignés la France, pourtant exsangue à la sortie de la guerre, ne seraient plus accessibles dans l'économie moderne, d'aucuns suggèrent de réduire la mission de la sécurité sociale à un simple filet de sécurité.

La distinction artificielle entre risques mutualisables et ceux qui relèveraient de l'initiative privée et de mécanismes financiers et marchands déboucherait sur la sélection des risques et des populations couvertes, les inégalités et la fragilisation du système public de couverture des besoins.

C'est pourquoi les suites qui seront données au rapport du Haut Conseil de l'assurance maladie traduiront un choix de société.

La Sécurité sociale française, en dépit de ses insuffisances ou en fonction de ses marges de progrès, demeure un système remarquable de solidarité entre tous ceux qui ont contribué, contribuent ou contribueront par leur activité à la production de richesse, et un outil puissant au service des droits fondamentaux de la personne humaine.

C'est dire que l'on ne résoudra pas l'équation qui se pose aujourd'hui en ne relevant que la seule dimension financière. Le déficit réel de l'assurance maladie, aux origines multiples, ne saurait justifier une nouvelle culpabilisation des salariés.

Il faut partir des besoins sociaux à satisfaire, définir les actions nécessaires, revaloriser la prévention notamment, tenir compte de l'allongement de l'espérance de vie et des progrès technologiques. Sur la base de ces besoins, définir les modalités les plus appropriées pour dégager les financements nécessaires.

Si le statu quo n'est pas tenable, les solutions à inventer ne feront pas forcément consensus. Nous voulons discuter du financement comme de la gestion du système de santé, de sa gouvernance pour employer un terme à la mode. Nous sommes pour des solutions conformes aux besoins sanitaires et sociaux.

Pour nous, le financement de la protection sociale n'est pas principalement un problème technique, aussi complexe soit-il, mais relève d'abord de choix touchant à l'organisation sociale ainsi qu'à la responsabilité des différents acteurs au premier rang desquels l'entreprise. Ainsi, alors que la part des entreprises dans le total des financements de la protection sociale a diminué de 10 points ente 1981 et 1999, passant de 53,8 % à 44,0 %, la part de la masse salariale dans la richesse produite par les entreprises n'a cessé de décliner depuis quinze ans. Quant au chômage, il a plus que triplé : l'essentiel des coûts du sous-emploi a été transféré sur les salariés et la société.

En outre, la multiplication des exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises, près de 20 milliards d'euros en 2003, sans aucune contrepartie, a débouché sur un imbroglio inextricable de prélèvements et de transferts. Elles ont largement contribué à saper la cohérence du financement de la Sécurité sociale.

Dans le même temps, l'universalisation de la couverture sociale, avec la CMU (couverture maladie universelle), et des transformations importantes de son financement, comme l'institution de la CSG (dont 88 % des recettes proviennent des seuls revenus salariés), imposent de réfléchir aux évolutions nécessaires et à la gestion du système.

Ces transformations, pour importantes qu'elles soient, ne remettent pas en cause la caractéristique fondamentale de notre système de Sécurité sociale fondé sur le travail où une partie de sa rémunération est affectée au financement de la solidarité.

C'est pourquoi il sera légitime de revendiquer qu'au sein des futures institutions de l'assurance maladie nous retrouvions des représentants élus des assurés sociaux, ce dont on les a injustement privés depuis 1983.

Les difficultés actuelles de la Sécurité sociale tiennent pour une bonne part à des modes de gestion inefficaces, comportant une bonne dose d'étatisme. Certains considèrent que la solution résiderait dans une étatisation complète du système. Telle n'est pas notre opinion : ce modèle serait pire que le mal. Dans les pays qui ont emprunté cette voie, le niveau des prestations sociales s'est effondré.

Pour nous, il faut explorer des solutions radicalement neuves. A titre d'exemple, tout le monde s'accorde à reconnaître le caractère insatisfaisant des lois de financement de la Sécurité sociale.

Nous ne récusons pas l'idée que les décisions finales concernant l'équilibre financier de la Sécurité sociale fassent l'objet d'un vote du Parlement, mais nous pensons que les conditions de l'élaboration des budgets doivent être profondément rénovées. Il faut imaginer un système dans lequel la loi de financement résulterait d'un processus partagé d'identification des besoins et de négociations sur les moyens.

L'avenir de l'assurance maladie, l'emploi et sa rémunération sont des revendications essentielles de la période. Il va falloir s'en occuper nous-mêmes par tous les moyens à disposition de l'action syndicale.

 

lire la suite