Le 22 janvier 2004
Une seule urgence : le temps de
la réflexion
Communiqué n° 33
Le mardi 20 janvier,
le colloque « Ressources pédagogiques : pour un
service public »
s’est tenu dans les locaux de l’Assemblée nationale, à l'initiative de
l'Intersyndicale du réseau CNDP et de l'association Nodeloc et à
l'invitation de Noël Mamère.
Devant une salle comble, des
personnalités venues du monde de l’éducation, de la culture et de l’édition et
s’appuyant sur leurs expériences de collaboration avec le CNDP, ont témoigné du
rôle essentiel que l’établissement et son réseau jouent dans le service
public d’édition et de documentation pour les enseignants ainsi que pour les
élèves : production d’outils pédagogiques en cohérence avec les projets
éducatifs et proposant un accompagnement approprié aux utilisateurs ; offre de
ressources et de services sur tous supports ; appui à l’innovation pédagogique ;
maîtrise des techniques de l’information et de la communication.
Tous ont conclu à
l’absurdité qui consisterait à éloigner le CNDP de ses partenaires, qu’ils
soient institutionnels ou non. Raymond Aubrac, à partir d’une action de
délocalisation dont il a professionnellement suivi l’évolution – une action
réussie parce qu’elle entrait dans un projet cohérent et reconnu comme tel par
les personnels concernés –, a déclaré ne trouver aucun sens dans la
transplantation du CNDP et juge qu’elle « ne peut qu’aller à l’échec ».
Hélène Luc (sénatrice du
Val-de-Marne, PC), Anne Hidalgo (première adjointe au maire de Paris, PS), Noël
Mamère (député de Gironde, Verts), Yves Durand (député du Nord, PS), Nicole
Touquoy-Morichaud (conseillère régionale, MRC), Francine Bavay (conseillère
régionale, Verts) ont dénoncé, outre le scandale d’une délocalisation à
Chasseneuil-du-Poitou au profit exclusif de la région du Premier ministre, la
logique politique de démantèlement d’un service public : l’opération ne
craint plus désormais de s’afficher comme une suppression de missions entrant
dans les attributions du CNDP.
Devant cette situation
alarmante et emblématique, après les mauvais coups portés à la recherche par une
politique du tout libéral et de la rentabilité immédiate, les représentants
syndicaux et politiques présents ont décidé du lancement d’un Comité de suivi
qui a trois objectifs : élaborer un contre-projet à la délocalisation, défendre
le CNDP et le réseau contre les nouveaux coups qui leur seraient portés,
préparer des Assises du multimédia éducatif.
Pendant que, parallèlement au débat sur l’école dans
l’hémicycle, se déroulait ce colloque riche des pistes de réflexion ouvertes et
de la convergence des points de vue et soutiens exprimés, le CNDP continuait sur
son erre de vaisseau fantôme. En effet, depuis que Claude Mollard a quitté la
rue d’Ulm le 9 janvier, sèchement remercié de ses fonctions de directeur général
malgré le zèle déployé au cours des derniers mois auprès du gouvernement
Raffarin, l’établissement est livré à lui-même : aujourd’hui encore, la vacance
du poste demeure et depuis treize jours aucun document décisionnel ne peut plus
être signé. Notons simplement qu’un universitaire de Paris 8, Alain Coulon,
s’est présenté le 19 janvier et a présidé un comité de direction… sans avoir été
nommé.
Constatons enfin que, selon
le compte rendu officiel de « la table ronde du 18 décembre 2003
relative aux conditions de la délocalisation du CNDP », François Perret,
directeur du cabinet du ministre délégué à l’Enseignement scolaire, a notamment
déclaré : « Des arbitrages seront rendus rapidement sur les missions de
l’établissement afin de préparer un contrat d’objectifs et de moyens et
modifier, si nécessaire, son statut. Le contrat devra être formalisé avant le
mois de juillet 2004. (…) Les arbitrages seront rendus dans un délai d’un mois.
(…) Les arbitrages qui seront pris s’appuieront entre autres sur les travaux des
groupes. Ces décisions, qui portent sur les missions du CNDP, conditionnent
l’installation de nouveaux services à Chasseneuil-du-Poitou à l’automne 2004. »
D’où il résulte que :
1) les réflexions des groupes
ministériels serviront de base à la suite du processus : la valeur de leurs
travaux est reconnue et « saluée » ;
2) des arbitrages restent bien
à rendre, puis dans un second temps des décisions administratives à prendre, qui
peuvent inclure l’élaboration d’un nouveau décret redéfinissant les missions du
CNDP et prenant en compte « l’évolution éventuelle du statut des CRDP pour
mobiliser les collectivités territoriales sur le financement des ressources
éducatives » : bref, nous n’en sommes nullement à appliquer de futures
décisions qui n’existent pas – du coup, la fébrilité et le zèle
chasseneuillais de certains cadres du CNDP n’en apparaissent que plus
intempestifs et d’une imprudence grave ;
3) le transfert de nouveaux
services est en effet, de façon tout à fait explicite, suspendu par la
conclusion de la table ronde (« conditionnent » !) aux décisions en
question : une démarche aussi complexe (arbitrages ► décisions
► nouveau décret ►
contractualisation avec le ministère) implique forcément, tout comme le
préconise la synthèse du groupe de travail sur les missions et l’organisation du
réseau (recommandation n° 5), une révision de l’organigramme voté au CA
si extraordinaire du 24 juillet 2003 : comment envisager l’organisation des
services du CNDP tant que n’ont pas été clarifiés avec la tutelle les missions
et les moyens du réseau CNDP/CRDP ? La suite logique est bien : quelles
missions et objectifs ? ► quels
moyens ? ► quels services pour
mettre en œuvre cette politique ? ► où
ces services doivent-ils être implantés afin de répondre au mieux à leur
cahier des charges ?
Il importe ainsi de stopper
net le processus de délocalisation, puisque ce qui a été déjà « accompli » –
si mal et de manière juridiquement si aventureuse – n’apparaît que comme un
méchant brouillon, bâclé et fait en dépit du bon sens : la copie est à refaire !
Les personnels du CNDP restent
donc mobilisés et plus vigilants que jamais, qu’il s’agisse de la précipitation
caractérisant la « traite » des précaires et des enseignants, ou du choix, comme
cabinet privé d’aide au reclassement, d’une entreprise imbriquée financièrement
et idéologiquement avec le Pôle universitaire privé Léonard-de-Vinci (« la
fac de Pasqua »). Ce qui était inacceptable le demeure...
Ils continueront avec la même
résolution inébranlable, fruit de leur réflexion collective et de la raison, à
s’opposer à ce qu’ils estiment en toute logique être la destruction d’un
service public d’éducation, au nom des intérêts électoralistes du Premier
ministre et des intérêts du libéralisme économique.
Taxe Professionnelle :
Les
promesses clientélistes du Président de la République
Le Président de
la République a annoncé le 6 janvier 2004 dans le cadre de sa politique pour
l'emploi l'exonération de la taxe professionnelle pour les investissements
réalisés dans les 18 prochains mois et la suppression de la taxe professionnelle
dans sa forme actuelle.
Sur le premier
point, il faut savoir que la taxe professionnelle de l'année en cours est
calculée sur la base des investissements de l'avant dernière année civile
précédente. Concrètement, les investissements réalisés en 2004 et 2005 serviront
à calculer la taxe professionnelle 2006 et 2007 payable respectivement avant le
01 mai 2007 et 2008.
L'impact sur
l'emploi au demeurant illusoire, est donc repoussé au-delà du terme de l'actuel
mandat présidentiel ce qui relativise la portée immédiate de cette mesure.
Mais l'important
est ailleurs : après la suppression de la part salariale décidée en 1998 par le
gouvernement Jospin, la taxe professionnelle des entreprises industrielles et
commerciales n'est plus calculée, pour l'essentiel, que sur les immobilisations.
La remise en
cause de cette taxation supprime de fait, la Taxe Professionnelle dans sa forme
actuelle. C'est la deuxième annonce du président qui ne donne aucun détail sur
le nouvel impôt professionnel susceptible de la remplacer.
Dès lors, c'est toute l'économie des impôts locaux qui se trouve bouleversée et,
en l'état actuel des choses, la baisse de la taxe professionnelle se répercute
mécaniquement sur les impôts locaux des ménages comme en témoignent les données
de l'année 2002 .
2002
|
Milliards d'€
|
Evolution
2002/2001 |
Taxe
Professionnelle |
18,7
|
-1,8
|
Taxes foncières
|
17,1
|
+5,6
|
Taxe
d'habitation |
9,5
|
+6,8 |
Pour le SNUI, il
faut engager la réforme de tous les impôts locaux y compris la taxe
d'habitation, actuellement l'impôt le plus injuste. Se limiter à la seule taxe
professionnelle serait injuste et pénalisant pour les ménages.
Le MEDEF a un
objectif affiché : supprimer purement et simplement toute taxe professionnelle à
la charge des entreprises.
Le gouvernement cèdera-t-il une nouvelle fois à
cette injonction ou s'orientera-t-il vers une réforme d'ensemble ?
Tels sont les termes d'un débat ouvert de la
plus mauvaise des manières par le Président de la République
Article paru dans Libération du
21/01/04, le point de vue de Bernard Thibault.
Défendons la
Sécurité sociale
Par Bernard
Thibault secrétaire général de la CGT.
Au moment où le débat sur l'avenir de l'assurance maladie
va gagner en intensité, je crois utile de revenir sur l'insécurité sociale
générée par le chômage et la précarité du travail qui gangrène notre société et
mine notre système de protection sociale.
La fragilisation dans la relation salariale est la source
de nos premières difficultés dès lors que notre pays a fait le choix, à juste
titre, il y a des décennies, d'opter pour un modèle de protection sociale dont
le financement est fondé sur le travail. Le contrat de travail inclut bien
l'accès à l'emploi et le droit à la protection sociale.
Il s'agit, au sens propre du terme, d'un pacte entre
générations comprenant la retraite mais également la santé et la famille. Cet
édifice se fissure par le volume de "chômage durable", d'emplois précaires de
toute nature tant la palette des CDD, temps partiels subis et petits boulots est
immense.
La situation pour les nouvelles générations est ainsi
fortement détériorée. La précarité de l'emploi combine la baisse sensible des
salaires d'embauche et l'extrême difficulté à amorcer puis à construire un
parcours professionnel évolutif et motivant.
C'est pourquoi il est consternant, sauf à prendre pour
argent comptant la litanie obsessionnelle du patronat, d'entendre les
déclarations récentes tendant à instaurer une nouvelle forme de contrat de
travail à durée déterminée.
Faudrait-il saluer les entreprises parce qu'elles sont
créatrices d'emploi mais ne jamais contester les principes de leur gestion qui
provoquent sous-emploi et chômage ?
On demande ainsi à la solidarité familiale de venir
partiellement compenser cette inégalité structurelle croissante. Mais chacun
constate les méfaits d'une conception politique où la famille et son patrimoine
viennent se substituer à la solidarité collective. N'a-t-on pas entendu
récemment un banquier préconiser que la Sécu se rembourse des coûteux frais
générés par un malade en s'emparant de son héritage après son décès ?
Il existe bien un rapport dynamique et incontournable entre
création et développement de l'emploi, valorisation du travail salarié garantie
et efficacité de notre protection sociale.
Pour certains qui feignent d'ignorer cette évidence, il est
tentant de revenir sur les choix qui soustraient à la logique de la rentabilité
la couverture des principaux risques sociaux.
Les orientations du patronat montrent que ce dernier
conserve la nostalgie pour le mélange de charité administrée et de contrôle
social qui fonda, avant 1945, l'alliance entre le paternalisme privé et l'ordre
public. Afficher une responsabilité sociale de l'entreprise ou relayer la
conception de développement durable est une chose, en assumer toutes les
contraintes du point de vue de l'entreprise en est une autre.
Parce que les objectifs que s'était assignés la France,
pourtant exsangue à la sortie de la guerre, ne seraient plus accessibles dans
l'économie moderne, d'aucuns suggèrent de réduire la mission de la sécurité
sociale à un simple filet de sécurité.
La distinction artificielle entre risques mutualisables et
ceux qui relèveraient de l'initiative privée et de mécanismes financiers et
marchands déboucherait sur la sélection des risques et des populations
couvertes, les inégalités et la fragilisation du système public de couverture
des besoins.
C'est pourquoi les suites qui seront données au rapport du
Haut Conseil de l'assurance maladie traduiront un choix de société.
La Sécurité sociale française, en dépit de ses
insuffisances ou en fonction de ses marges de progrès, demeure un système
remarquable de solidarité entre tous ceux qui ont contribué, contribuent ou
contribueront par leur activité à la production de richesse, et un outil
puissant au service des droits fondamentaux de la personne humaine.
C'est dire que l'on ne résoudra pas l'équation qui se pose
aujourd'hui en ne relevant que la seule dimension financière. Le déficit réel de
l'assurance maladie, aux origines multiples, ne saurait justifier une nouvelle
culpabilisation des salariés.
Il faut partir des besoins sociaux à satisfaire, définir
les actions nécessaires, revaloriser la prévention notamment, tenir compte de
l'allongement de l'espérance de vie et des progrès technologiques. Sur la base
de ces besoins, définir les modalités les plus appropriées pour dégager les
financements nécessaires.
Si le statu quo n'est pas tenable, les solutions à inventer
ne feront pas forcément consensus. Nous voulons discuter du financement comme de
la gestion du système de santé, de sa gouvernance pour employer un terme à la
mode. Nous sommes pour des solutions conformes aux besoins sanitaires et
sociaux.
Pour nous, le financement de la protection sociale n'est
pas principalement un problème technique, aussi complexe soit-il, mais relève
d'abord de choix touchant à l'organisation sociale ainsi qu'à la responsabilité
des différents acteurs au premier rang desquels l'entreprise. Ainsi, alors que
la part des entreprises dans le total des financements de la protection sociale
a diminué de 10 points ente 1981 et 1999, passant de 53,8 % à 44,0 %, la part de
la masse salariale dans la richesse produite par les entreprises n'a cessé de
décliner depuis quinze ans. Quant au chômage, il a plus que triplé : l'essentiel
des coûts du sous-emploi a été transféré sur les salariés et la société.
En outre, la multiplication des exonérations de cotisations
sociales accordées aux entreprises, près de 20 milliards d'euros en 2003, sans
aucune contrepartie, a débouché sur un imbroglio inextricable de prélèvements et
de transferts. Elles ont largement contribué à saper la cohérence du financement
de la Sécurité sociale.
Dans le même temps, l'universalisation de la couverture
sociale, avec la CMU (couverture maladie universelle), et des transformations
importantes de son financement, comme l'institution de la CSG (dont 88 % des
recettes proviennent des seuls revenus salariés), imposent de réfléchir aux
évolutions nécessaires et à la gestion du système.
Ces transformations, pour importantes qu'elles soient, ne
remettent pas en cause la caractéristique fondamentale de notre système de
Sécurité sociale fondé sur le travail où une partie de sa rémunération est
affectée au financement de la solidarité.
C'est pourquoi il sera légitime de revendiquer qu'au sein
des futures institutions de l'assurance maladie nous retrouvions des
représentants élus des assurés sociaux, ce dont on les a injustement privés
depuis 1983.
Les difficultés actuelles de la Sécurité sociale tiennent
pour une bonne part à des modes de gestion inefficaces, comportant une bonne
dose d'étatisme. Certains considèrent que la solution résiderait dans une
étatisation complète du système. Telle n'est pas notre opinion : ce modèle
serait pire que le mal. Dans les pays qui ont emprunté cette voie, le niveau des
prestations sociales s'est effondré.
Pour nous, il faut explorer des solutions radicalement
neuves. A titre d'exemple, tout le monde s'accorde à reconnaître le caractère
insatisfaisant des lois de financement de la Sécurité sociale.
Nous ne récusons pas l'idée que les décisions finales
concernant l'équilibre financier de la Sécurité sociale fassent l'objet d'un
vote du Parlement, mais nous pensons que les conditions de l'élaboration des
budgets doivent être profondément rénovées. Il faut imaginer un système dans
lequel la loi de financement résulterait d'un processus partagé d'identification
des besoins et de négociations sur les moyens.
L'avenir de l'assurance maladie, l'emploi et sa
rémunération sont des revendications essentielles de la période. Il va falloir
s'en occuper nous-mêmes par tous les moyens à disposition de l'action syndicale.
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