Allocution de Georges SARRE

 

AUX VENDEMIAIRES DE RESISTANCE SOCIALE

 

Samedi 20 septembre 2003

 

 

Chers camarades, chers amis,

 

Je tiens tout d’abord à remercier Marinette Bache et l’équipe d’animation de Résistance Sociale de m’avoir convié aux travaux de ces premières Vendémiaires.

 

Le « mouvement social, pour quoi faire ? ». La question mérite d’être posée car il est urgent de sortir notre pays de l’enlisement dans lequel il a été plongé par le renoncement politique et un libéralisme sans frein associé au libre-échange total et suicidaire pour nos entreprises, nos industries et nos emplois.

 

Que l’on songe aux impressionnantes manifestations du printemps contre le projet Fillon, à la mobilisation des intermittents du spectacle et à celle encore actuelle des enseignants. Certes le gouvernement ne cède pas. Et il cède d’autant moins qu’il sait la difficulté d’offrir un débouché politique au mouvement social.

 

Le problème du mouvement social ne réside donc pas en lui mais en l’incapacité des partis politiques censés défendre le monde du travail d’élaborer un projet cohérent à rebours de la logique néolibérale. Voilà la seule faiblesse du mouvement social et elle n’émane pas de lui !

 

Si mouvement social il y a dans notre pays, c’est parce que le néolibéralisme a suscité une prise de conscience citoyenne à la mesure du danger qu’il représente. La réalité de la mondialisation et de l’Europe dite libérale est hautement liée à l’action volontaire de nos gouvernants qui ne cessent de prétexter la « contrainte » pour imposer non seulement un libéralisme dévastateur mais également une organisation des pouvoirs aux antipodes de la démocratie.

 

L’épisode du vote sur les fonds de pensions au Conseil des Ministres de l’Union européenne est symptomatique d’une tendance des gouvernants français à manier l’hypocrisie avec un aplomb à couper le souffle. Alors que François Fillon « négocie » - si l’on peut employer l’expression – avec les syndicats, on apprend par l’Agence France Presse que le Conseil des Ministres de l’UE réuni à Bruxelles a voté un texte autorisant les fonds de pensions à se développer au sein de l’Union européenne.

 

Ainsi nos gouvernants ont-ils le front d’invoquer la contrainte pour soumettre notre pays au libéralisme alors qu’ils contribuent largement à organiser cette même contrainte.

 

L’affaire Alstom est une autre illustration du caractère profondément et intrinsèquement néfaste de l’Europe communautaire et de la démission de nos gouvernants. Alors que le gouvernement, pris d’un éclair de bon sens, se décide à intervenir et à sauver un fleuron technologique français, la Commission vote à l’unanimité contre l’entrée de l’Etat dans le capital d’Alstom. Monsieur Barnier s’est prononcé contre, lui qui se présente comme le plus fidèle partisan du gouvernement Raffarin : qui se moque de nous ? Qui utilise les effets d’annonce pour gagner quelques points de sondages et laisse ses décisions invalidées au nom de la « contrainte » ? Si les « bureaux » de Bruxelles importent peu à Monsieur Raffarin et si l’emploi est son but premier, alors pourquoi ne passe-t-il pas outre les interdictions des Monti, Prodi et tutti quanti ? Peut-on d’ailleurs défendre l’emploi en composant avec une Europe conçue comme un relais de la mondialisation ?

 

D’ailleurs qu’est ce que cette mondialisation ?

 

La mondialisation, véhicule du néolibéralisme, est un projet éminemment politique, organisé par une puissance impériale bien décidée à imposer ses vues, ses propres règles du jeu au monde entier. Il n’y a pas de phénomène spontané en matière de mondialisation. Les institutions internationales, notamment le FMI ou l’OMC, sont imprégnées des dogmes élaborés à Washington pour le monde entier mais ne profitant surtout qu’aux Etats-Unis. Vouloir dissocier le combat social en France et la lutte contre la mondialisation ou mener l’un sans mener l’autre n’a aucun sens. Qui plus est dissocier mondialisation et politique impériale nord-américaine n’a guère de sens non plus. L’affaiblissement de notre pays à une cause externe à combattre internationalement : la mondialisation liée à l’impérialisme états-uniens. Mais il a aussi une cause interne : la fuite de nos dirigeants devant leurs responsabilités.

 

Il manque en fait à la France des dirigeants ayant tout simplement … un peu de courage !

 

Il manque à la France une politique claire de rupture avec le néolibéralisme : le libre-échange promu depuis des années à Bruxelles par les Commissaires et les lobbies patronaux a provoqué délocalisations et délitement de notre tissu industriel. Il faut rompre avec cette logique : réfléchir à la mise en place d’écluses douanières, sur le modèle de la proposition de l’économiste Lauré est une piste intéressante pour qui veut protéger nos emplois tout en permettant au sud de se développer.

 

La France retrouvera sa force si elle se dote de nouveau de services publics performants et facteurs d’égalité entre les territoires et les citoyens. Cela passe par des nationalisations, par l’exclusion des règles « communautaires » de la concurrence de tous les secteurs que la France pensera nécessaires à son développement harmonieux.

 

Miser sur la recherche, sur l’intelligence, prendre sans cesse une longueur d’avance nécessite d’avoir un Etat qui joue un vrai rôle et qui ne soit pas la caisse enregistreuse de décisions aberrantes prises par des individus ou des groupes non élus…

 

Le mouvement social pour quoi faire ? C’est très simple : pour exprimer le refus du néolibéralisme, de l’abandon du peuple par les politiques et pour préparer une autre politique.

 

Car, comme Résistance sociale, je pense que le politique doit se ressaisir d’un grand projet mobilisateur progressiste sur le plan social et démocratique.

 

Georges Daujat

Vivre et travailler au pays, pour une politique de plein emploi.

 

 

 

Il y avait un slogan qui avait cours pendant les années 70 qui était  « vivre et travailler au pays ». A l'époque cela signifiait travailler dans sa province. On en était alors aux premières vagues de suppressions d'emplois industriels à partir de 1974 - 1975. C’était la fin des « 30 glorieuses ».

 

Je dois traiter le sujet  « Vivre et travailler au pays - Pour une politique de plein emploi »,  faut-il limiter mon intervention à la France, à l'Europe?  Je préfère limiter cette intervention à la France, l’autre « pays », la Province porte nécessairement des déséquilibres démographiques et des spécialisations (agricoles, industrielles ou services).

 

 

Pour définir une politique de plein emploi, il faut d'abord connaître les freins à l’existence de celui-ci : ils sont de 2 ordres.

 

On retrouve bien entendu tout d’abord la mondialisation libérale, source de nombreux maux sociaux, qui joue sur les sources de production, qui inspire et utilise les règles de concurrence européennes, celles de l’OMC, de l’AGCS en cours et qui conduisent irrémédiablement à la délocalisation de beaucoup d'emplois industriels vers le tiers-monde et notamment vers la Chine, réservoir ultime de Main d'Oeuvre du grand capital, où il n'y a pas de syndicats, pas de droit du travail et qui dispose d’un immense réservoir de main d’oeuvre agricole non qualifiée n’attendant que l’opportunité de travailler dans l’industrie à n’importe quelle condition, ce qui sera toujours préférable à la misère des campagnes. Egalement, demain, on assistera à la délocalisation de beaucoup d'emplois agricoles avec la disparition programmée de la PAC. Ensuite ce sera le tour des emplois de services avec déjà des exemples : notamment l’informatique de production de quelques banques en Inde, l’ingénierie en République Tchèque et des centres d’appels ou de S.A.V téléphoniques  se sont déjà délocalisés vers le Maghreb.

 

On retrouve aussi parmi les causes de la disparition d’emplois en France, la répartition de la Valeur Ajoutée à l’intérieur du pays avec plus de 10 points de PIB passés d'un côté (le travail) à l'autre (le capital) depuis 1983. Il s’agit d’environ 150 milliard d’euro par an qui manquent à la consommation française pour utiliser des services ou acquérir des biens en France.

La concentration de richesse, accrue, induit un accroissement du taux d'épargne. l’Epargne implique l’investissement et donc l’emploi, me direz vous. Et bien oui et non : cela induit certes l’emploi, mais ailleurs qu'en France.

L’insuffisance de consommation en France procède de la même cause et réduit la taille du marché, donc l'emploi du pays et du fait d’un pouvoir d’achat insuffisant, la concentration de richesse implique des importations à bas prix. Les exemples du textile et celui plus dangereux de l’alimentation sont à ce titre flagrants avec un coût en terme de qualité et de sécurité.

 

 

Alors, quelle politique faut-il pour favoriser le retour du plein emploi ?

 

Les causes étant clairement définies, les solutions apparaissent simples, mais bien sûr pas faciles à mettre en œuvre.

 

D'une part, il y a une nécessité à encadrer le capitalisme, à mettre fin aux dérives libérales, à reprendre la main en matière économique et à ce que le pouvoir politique ne subisse plus l’économique, qu’il le maîtrise .

Cela passe notamment par :

- la nécessité de sortir de la concurrence absolue qui paupérise les travailleurs de tous les pays. Une ouverture est nécessaire, indispensable mais pas à n’importe quel prix. Comment peut-on lutter même avec une productivité supérieure contre des pays dépourvus de droit social. Cela ne peut que créer le chômage.

- la renégociation des règles de l'O.M.C. est impérative, il faut en sortir si cela n'est pas possible. Les Etats Unis d’Amérique n’hésite pas à s’en affranchir lorsqu’elles les gênent.

- Il faut aussi renégocier les règles de l’U.E. et là cela devrait être plus facile dans la mesure où la crainte de la crise institutionnelle fait réfléchir nos partenaires. Le maintien de la clause d’unanimité est à défendre impérativement. Le dogme de la concurrence et de l’ouverture doit être remplacé par celui du plein emploi : rappelons nous que la P.A.C. qui est une exception à la concurrence  et qu’on veut abattre maintenant a permis le maintien d’une agriculture puissante en Europe et d’une population agricole conséquente en France

- laisser au secteur public les champs d’activité qui doivent lui revenir et non la peau de chagrin  que l'A.G.C.S veut lui laisser pour le plus grand profit des multinationales.

Il ne s'agit pas, ce n’est pas mon propos,  de prôner un isolationnisme nationaliste à visée autarcique. Il est nécessaire, je le redis, d’avoir un degré d’ouverture sur l’extérieur, mais avec des barrières qui permettent de conserver un pouvoir sur notre économie (politique monétaire, taxe à l’importation sur les produits à dumping social etc).

Et pour que la France tienne sa place, il convient aussi  d' avoir une réelle politique industrielle et notamment
visant à favoriser la recherche, la formation. En effet ce sont vers des productions de plus en plus élaborées que la France doit tendre pour développer l’emploi. Là encore, les Etats-Unis l’ont bien compris et la recherche privée en apparence mais basée sur des commandes publiques leur permet un taux de croissance plus élevé que celui de l’Europe dont la préoccupation première est d’ouvrir  ses marchés à tous vents

Enfin, l’existence d’un mouvement social fort me paraît de nature à réparer les méfaits des  20 dernières années de libéralisme et d’enrichissement accru du capital sur le dos du travail. La répartition actuelle de la Valeur ajoutée ne permet pas une consommation suffisante : inversons cette répartition et c’est là le rôle du politique.

 

Malheureusement le mouvement social est souvent éloigné du mouvement politique. On parlait autrefois du syndicat courroie de transmission du parti. Moi, je rêve plutôt d’un parti courroie de transmission du  mouvement social. Alors vivre et travailler au pays, pour une politique de plein emploi. Ce n’est pas au pays du capitalisme libéral.