Le « REJET DE CHIRAC », le « MALAISE SOCIAL » sont-ils de   MAUVAISES RAISONS   de voter NON ?

Par Claude CHAILLE

 

Dans son éditorial de Libération du 30 / 31 octobre P Sabatier écrit : « le rejet de Chirac », « l’exploitation politique du malaise social », sont 2 raisons qui « n’ont rien à voir avec la Constitution ». L’objectif de l’éditorial est double :

-        Convaincre qu’on peut être contre la politique sociale de Chirac et néanmoins voter OUI

-        Minimiser une éventuelle victoire du NON : les Français n’auraient rien compris, seraient hors sujet. Donc on pourrait revoter, voire, comme le propose Cohn Bendit, trouver des arguties pour ne pas tenir compte du vote des Français ou autres peuples ayant « mal voté ».

 

Notons que certains socialistes qui critiquent avec la plus extrême dureté tout ce que fait Raffarin pour tenter de convaincre qu’ils sont vraiment « de gauche », et appellent néanmoins à voter oui, utilisent le même stratagème : la politique de Chirac – Raffarin serait le mal absolu (ils sont si à gauche qu’on se demande comment ils ont pu rester au PS du temps de Jospin et de sa gauche plurielle !) mais l’Europe « n’a rien à voir ». Donc braves socialistes sincèrement de gauche et  gens de gauche votez oui et… on s’occupera du reste.

Mais qu’est-ce qui crée le « rejet » de Chirac et des gouvernements au pouvoir dans toute l’Europe ? C’est l’application des traités de Maastricht, Amsterdam, Nice qui ont entraîné désindustrialisation, perte de pouvoir d’achat, diminution de la protection sociale, flexibilité, remise en cause du code du travail, travail de nuit des femmes, ... alors qu’on nous avait promis qu’en votant le traité de Maastricht tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Pour la 1ère fois depuis longtemps personne ne pense que ses enfants vivront mieux que lui. Les jeunes sont convaincus qu’ils vont galérer toute leur vie, que la retraite n’existera plus lorsqu’ils en auront l’âge.

En France 80 % des lois sont la transposition des directives européennes.. On ne peut donc dissocier l’Europe du rejet des gouvernements qui la soutiennent.

 Ils sont solidairement responsables dans ce désastre social.  Jospin en a d’ailleurs fait l’expérience : le jour où, reniant ses promesses électorales, il a signé le traité d’Amsterdam et abandonné Vilvorde à son triste sort, il a signé sa défaite.

 Ce Traité Constitutionnel est élaboré pour le plus grand profit des fonds de pension et des multinationales. Il est incompatible non seulement avec tout progrès social mais même avec le maintien du niveau actuel. Nous constatons tous les jours que l’harmonisation sociale se fait et continuera de se faire par le bas :

-        Pour être « compétitif « la fiscalité des entreprises doit baisser. En outre on doit augmenter les subventions, zones franches….

-        Pour éviter les délocalisations et être « compétitif » par rapport à la Pologne ou la Chine, il faut baisser le coût du travail, donc les salaires et notamment les cotisations sociales des entreprises privées, cotisations jugées insupportables, freinant l’emploi…

-        Les déficits de l’Etat et de la protection sociale étant ainsi créés, pour rester dans le Pacte de stabilité, il faut « diminuer le coût de l’Etat », donc diminuer le nombre et le salaire des fonctionnaires.

 

Qu’on soit du public ou du privé, la conclusion est la même : si le traité constitutionnel est ratifié, l’harmonisation continuera de se faire vers le bas. C’est inéluctable !

 

N’en déplaise à Libé, aux socialistes favorables au oui, et à beaucoup d’autres, le « rejet de Chirac », le « malaise social » sont indissolublement liés à l’Europe de Bruxelles. La défense des salariés, le progrès social en France et en Europe passe par le NON à ce traité Constitutionnel.

 

Vive l’Europe ?

 

Notre cher baron Ernest Antoine Seillière estime qu'en France, on doit pouvoir faire travailler les salariés, "dans le cadre d'un accord d'entreprise", jusqu'à 48 heures hebdomadaires, conformément à la limite moyenne fixée par l'Union européenne. A enfin heureusement qu’il y a l’Europe.

 

Et après cela ils osent dire que l’Europe n’est pas sociale

 

"La limite de travailler plus pour gagner plus est, pour nous, clairement posée par une directive européenne qui dit '48 heures par semaine'. C'est pour nous la limite du travail en entreprise en Europe. C'est le cadrage social tel que nous pensons qu'il devrait exister dans de nombreux domaines".

 

Le Medef en avait rêvé, Raffarin a voulu le faire…

mais ça n’a pas marché

 

Votre entreprise va bien, votre travail vous plaît, votre patron est sympa, les actionnaires sont pourtant mécontents, … attention vous allez peut-être être licencié !

 

Dans le texte initial sur la cohésion sociale, si vous refusiez d'être muté à 300 kilomètres ou si vous n'acceptiez pas une baisse de salaire de 100 €, vous auriez pu avoir toutes les chances d'être licencié. Voilà ce sur quoi aurait pu déboucher l'avant-projet de loi sur les restructurations élaboré par le gouvernement. Le ministre délégué aux Relations du travail, Gérard Larcher, a pris le pouls des syndicats et du patronat sur son texte, qui modifiait substantiellement les règles du licenciement économique et renforçait le reclassement des salariés.

Le gouvernement voulait aller vite : le texte législatif devait être soumis d'ici à la fin du mois au Parlement, mais le Ministre a dû revoir sa copie, car fort heureusement la grogne syndicale avait enfler. Tous y voyait à  juste titre « une copie conforme des propositions du Medef » à l'origine de l'échec des négociations sur ce sujet ultrasensible au bout de dix-huit mois. Et déjà le syndicat des cadres CFE-CGC sonnait la charge appelant « à la mobilisation de toutes les organisations syndicales pour faire front » tandis que la CGT accusait le gouvernement de vouloir « banaliser les suppressions d'emplois ».

Le gouvernement offrait à nos employeurs le droit de licencier avec plus de facilité : dans l'article C, « accompagnement des mutations économiques et des restructurations », le gouvernement introduit dans la définition du licenciement économique deux nouvelles notions. La première indique qu'un licenciement économique peut être invoqué au nom de la « sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ». En clair, une entreprise, même si elle se porte bien, peut, si les actionnaires estiment que le taux de rentabilité des actions n'est pas suffisant, invoquer la « sauvegarde de la compétitivité ». Même chose si une entreprise estime que la baisse de ses marges peut entraver sa bonne santé financière. Autre changement notable,  « constitue un licenciement pour motif économique » le refus du salarié « d'une modification d'un élément essentiel du contrat de travail ». Exemple : une mutation, une baisse de salaire, un changement de poste avec baisse de qualification...

Et pendant ce temps-là ils privaient les salariés…En effet, jusqu'à présent les syndicats et les salariés disposaient du temps qu'ils voulaient pour saisir le juge en cas de non-respect des engagements pris par l'employeur (reclassement, priorité de réembauche...) via son plan. Le texte intitial réduisait à six mois cette possibilité. Ce qui signifie qu'un salarié qui n'aurait pas eu de proposition sérieuse de reclassement au bout d'un an ne pourrait plus se retourner contre l'employeur. Par ailleurs, les représentants du personnel n'avaient plus que huit jours pour faire l'ensemble des démarches pour saisir le juge en cas d'irrégularité de la procédure de restructuration. Un délai qui laissait très peu de temps pour réunir le CE, trouver un avocat, décrocher une date au tribunal... Un exemple : aujourd'hui dans une grande entreprise, il faut déjà huit jours pour convoquer le comité central d'entreprise qui pourrait décider d'un tel recours.

 Et ce n’est pas tout……Vers la fin des réintégrations judiciaires : aujourd'hui, lorsqu'un plan social était déclaré nul, l'entreprise se voyait obligée par le juge de réintégrer ses salariés visés par les licenciements. Le texte prévoyait de soumettre ce retour dans l'entreprise « au double accord des intéressés et de l'employeur ».

Ce qui signifie, en clair, que l'employeur pourra dorénavant dire non.

 Mais dans un moment d’égarement, ou de faiblesse…

Il était prévu d'accorder une prime aux salariés équivalente aux six derniers mois de salaire. Après avoir toucher votre prime, il ne vous restaient que vos yeux pour pleurer.

Fort heureusement les syndicats se sont mis en colère……. Le MEDEF ne va pas être content ! Le recul du gouvernement sur plusieurs points du texte initial, comme la définition du licenciement économique et des délais de recours a en effet provoqué, on s’en serait douté, les foudres du Médef.

 Le texte sur le licenciement économique a été entériné mercredi en Conseil des ministres et sera examiné au Parlement dans les prochaines semaines, mais sa mise en oeuvre restera pour partie subordonnée à des négociations avec les partenaires sociaux.

Le ministre de l'Emploi et de la cohésion sociale, Jean-Louis Borloo, a présenté le texte en Conseil des ministres, sous forme d'une lettre rectificative au projet de loi de programmation pour la cohésion sociale.

Le nouveau projet sera examiné au Sénat en séance publique à partir du 27 octobre jusque vers le 10 novembre, puis à l'Assemblée nationale. Or, certains syndicats craignent de voir réapparaître, par la voie d'amendements UMP, les points sur lesquels le gouvernement a reculé.

Si le texte est susceptible d'être amendé, il doit aussi être complété. C'est le cas en particulier concernant le nouveau droit, dans les entreprises de moins de 1.000 salariés, à une convention de reclassement personnalisé (CRP) prévoyant pendant huit mois des actions de formation et d'accompagnement pour les salariés licenciés économiques.

Plusieurs points de ce dispositif devront faire l'objet d'un accord négocié. Le ministre a ainsi rappelé que les partenaires sociaux responsables de l'assurance-chômage vont devoir négocier entre eux sur le sujet du financement, réparti entre l'Unedic, l'entreprise et l'Etat.

Reste aussi à déterminer le montant de l'allocation versée au titre de la CRP et la durée de l'indemnisation chômage à expiration de la CRP, un sujet dont M. Larcher a rappelé que les partenaires sociaux auraient à "débattre".

De même, une mission va être créée sur la création d'un "contrat local territorial" pour revitaliser les bassins d'emploi, qui sera semble-t-il un contrat entre les partenaires sociaux et l'Etat auxquels participerons les élus.

Affaire à suivre…….

 

Mon ami cuisinier,

 

Mon ami est cuisinier. En juillet il travaillait dans une grande chaîne d’hôtels. Souhaitant être mieux payé il a cherché un autre emploi et grâce à des copains cuisiniers comme lui, il a trouvé une place avec début impératif en août. Compte tenu de son préavis il a du abandonner ses vacances. Quelques jours avant de commencer, son nouvel employeur s’est trouvé très très occupé, et même injoignable au téléphone…Puis on lui a indiqué sans explication qu’on ne voulait plus de lui. Il s’est retrouvé sans emploi. Par chance il a retrouvé dans un délai assez bref. Son salaire est un peu supérieur, mais ses horaires sont 9 H – 15 H, suivis d’une pause de 15 H à 18 H. Puis travail de 18H à minuit ou minuit et demi. La journée est donc de 12 à 13 H avec en plus double transport. Sa pause ne lui permettant pas de rentrer, il a loué un petit studio. Comme on s’en doute, à Paris le studio est minuscule, mais pas le loyer.

Mon ami travaille avec ces horaires depuis début septembre. Sa pause, une fois déduit l’aller et retour, ne lui permet guère de se reposer. C’est un jeune de 24 ans, en pleine force de l’âge. Mais après un mois de travail il est épuisé.

Une dernière précision : mon ami travaille dans un grand restaurant « gastro » comme il dit. Rien de l’image du petit restaurateur de province ou de banlieue qui peut avoir du mal à joindre les 2 bouts.

Et pourtant j’ai encore dans l’oreille ces représentants des restaurateurs qui pour justifier les 1,5 milliards d’euros  d’exonérations de cotisations sociales (10 milliards de francs par an, ce n’est pourtant pas rien !) juraient la main sur le cœur que c’était pour les consommateurs et leur personnel. Les consommateurs ont vu le prix du restaurant flamber. Quant au personnel…

 

Remarques :

On constate une fois de plus que  l’argent des cotisations sociales est versé sans le moindre contrôle

La flexibilité ramène aux horaires du 19ème siècle. Mais dans les médias on nous rebat les oreilles avec les 35H, le peu d’heures travaillées annuellement en France, alors tout le monde sait que des millions de salariés font beaucoup plus que les 35 heures théoriques (et d’ailleurs elles ne sont même plus théoriques : pour les cadres il est légal de travailler » jusqu’à 13 H par jour »)

Pense t’on qu’on puisse tenir avec des journées qui commencent à 9H du matin pour se terminer à plus de minuit jusqu’à 65, 70, 75 ans ?

Peut-on sérieusement s’étonner que les jeunes, qu’on accuse si facilement de fainéantise, ne se battent pas pour de tels emplois ?

L’inspection du travail et la législation ne devraient-elles pas être renforcées pour interdire de telles pratiques ?

 

 

Jean Claude

 

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