Banque de France : suite de la série noire.

 

Le plan dévoilé lundi par Monsieur Trichet prévoit la suppression de 2637 emplois d’ici 2006 au sein de la Banque de France. A ces réductions d’emplois s’ajoute la fermeture de 115 succursales départementales.

 

La Banque de France va donc disparaître de nombreuses villes de France et sa présence dans les départements sera symbolique. Ce nouveau projet s’inscrit dans un mouvement d’ensemble de démantèlement complet des services publics. Peu à peu, c’est l’Etat qui se délite et l’égalité entre les hommes et les territoires sur laquelle on revient.

 

Le gouvernement porte une lourde responsabilité en ajoutant chaque jour à la liste des régressions la disparition de nouveaux pans de services publics. La responsabilité qui est la sienne est totale et sans excuse.

Paris, le 12 mai 2003

 

A l'issue de la première journée de grève des étudiants de Sciences Po, le Mouvement Républicain et Citoyen se réjouit des garanties obtenues par les étudiants quant à la non applicabilité de la hausse des droits d'inscription à la rentrée 2003.

 

Cependant, le MRC reste vivement hostile à toute hausse sensible des droits d'inscription prévisibles en 2004 et qui participerait d'une logique de privatisation de l'enseignement supérieur.

 

Les étudiants doivent donc rester vigilants.

Paris, le 12 mai 2003

 

Commémoration de la Commune de Paris

 

Mur des Fédérés – Cimetière du Père Lachaise

Samedi 17 mai 2003

 

 

Chers Amis,

Chers Camarades,

 

Nous sommes réunis aujourd’hui au cimetière du Père Lachaise, pour honorer la mémoire des « communeux » fusillés pour avoir porté haut leur idéal et leur foi en un avenir radieux.

 

Ce n’est pas une cérémonie de routine où l’on vient par habitude ou par devoir.

 

Nous sommes ici pour reprendre le flambeau, car il n’est ni excessif, ni caricatural de souligner avec force que le monde du travail aujourd’hui est sacrifié, au bénéfice de l’argent. La classe ouvrière est méprisée. La France étouffe, s’épuise dans le corset Maastrichien.

 

Pour avoir dit non à la guerre contre l’Irak, des campagnes sont organisées aux USA sur le thème : il faut punir la France. Je le crois, des parallèles sur ce qui s’est passé en 1870-1871 et aujourd’hui peuvent être faits. Tout est différent, dans la forme mais sur l’essentiel beaucoup de choses procèdent de la même logique, de la veulerie, de la médiocrité même. Tout commence avec la guerre de 1870.

 

Le déclenchement de la guerre est une conséquence de la crainte avec laquelle Napoléon III voyait progresser et évoluer l’unification allemande, sous l’égide prussienne, surtout après la victoire de la Prusse sur l’Autriche en 1866.

 

Bismarck encourageait alors la tension entre la France et les états allemands du Sud afin d’accélérer l’adhésion de ceux-ci au processus d’unification. Il s’était assuré la neutralité de la Russie, de l’Italie et de la Grande Bretagne.

 

Le prétexte fût donné par la querelle de succession d’Espagne. Lorsque le trône espagnol fût offert à un prince Hohenzollern-Sigmaringen. La France réagit vivement, de sorte que le prétendant se retira (12 juillet 1870). Le Ministre français des Affaires Etrangères, le Duc de Grammont, demanda alors à la Prusse la garantie qu’elle ne renouvellerait pas la candidature du prince allemand. Le Roi de Prusse refusa de s’y engager.

 

La dépêche d’Ems, compte rendu tronqué des échanges adressés par le Roi de Prusse à Bismarck et rédigée de manière à provoquer la France, fût la cause immédiate de la déclaration de guerre par la France le 19 juillet.

 

Tout va vite ! Le 1er septembre 1870, c’est le désastre de Sedan. La capture de l’Empereur et de ses 100.000 soldats. C’est l’événement déclencheur de la révolte parisienne qui conduit à la déposition de Napoléon III et à l’arrivée du gouvernement de défense nationale dirigé par Trochu, Gambetta, et Jules Favre. La République est proclamée le 4 septembre 1870. La résistance s’organise.

 

Pourtant, le 28 janvier 1871, Paris capitule par la convention de Versailles.

 

La Commune trouve sa cause principale dans l’armistice conclu ce 28 janvier 1871. Voulant négocier avec le gouvernement dont la légitimité ne serait pas contestée, la Prusse victorieuse demande l’élection d’une Assemblée Nationale qui a lieu le 8 février 1871. Les monarchistes y sont majoritaires en raison du vote rural. En revanche Paris comme quelques autres grandes villes s’est donnée des représentants républicains, tels Louis Blanc, Victor Hugo, Clémenceau ou Garibaldi.

 

Le traité de paix négocié par Thiers, ratifié par la nouvelle assemblée entérine la perte de l’Alsace et de la Lorraine, et le versement à la Prusse, d’une indemnité de guerre de 5 milliards de francs or.

 

Une clause stipule que les Prussiens continueront d’occuper une partie de la France jusqu’au paiement de cette rançon.

 

Quelle ne fût pas la surprise du Roi de Prusse et de Bismarck quand ils découvrirent que la France se libérait de ce fardeau en quelques mois. Le petit peuple puisa dans ses faibles économies pour effacer cette charge. Les artisans, les petits paysans, les ouvriers donneront leurs 2 ou 3 pièces d’or pour la France et la liberté.

 

Avec la chute de l’empire un vent de liberté a soufflé sur Paris où la tradition républicaine et les associations ouvrières sont influentes. Cette atmosphère a suscité de multiples initiatives populaires et patriotiques (clubs et journaux), des « comités » de vigilance se sont spontanément constitués pour aider, voire contrôler les élus dans leurs tâches. Cette agitation est exacerbée par la faim et la misère et par le comportement du gouvernement jugé extrêmement défaitiste.

 

Les conditions humiliantes de la capitulation avivent la colère de la capitale où les Prussiens entrent le 1er mars. Les Parisiens se sentent trahis après avoir supporté les épreuves du siège. Ils n’acceptent pas que leur ville soit livrée à l’ennemi, aussi craignant que les canons qu’ils ont payés par souscription ne tombent aux mains des Prussiens, ils les regroupent sur les hauteurs de Montmartre, de Belleville et des Buttes Chaumont.

 

Dans la capitale l’agitation s’amplifie. En février et mars, les bataillons de la garde nationale s’organisent en une fédération dont le comité central est composé de délégués élus par la base. Le gouvernement ne contrôle plus la situation. Thiers arrive le 13 mars à Paris pour rétablir l’ordre. Le 18 mars il envoie la troupe pour reprendre le contrôle des arsenaux et récupérer canons et mitrailleuses.

 

Mais le peuple et les gardes nationaux se mobilisent. A Montmartre ce sont les femmes qui les premières réagissent quand les soldats veulent reprendre les canons. Bientôt c’est la fraternisation entre les soldats et le peuple. Deux généraux, Lecomte et Thomas sont capturés et exécutés.

 

C’est le 18 mars, la Commune de Paris vient de commencer.

Son acte fondateur est de redonner à Paris les libertés municipales perdues en 1851: Des élections ont lieu le 26 mars et le conseil municipal prend le nom de Commune de Paris. Parmi les 85 élus figurent 25 ouvriers, une majorité d'employés et de petits patrons, et des figures mythiques du combat républicain : Jules Vallès, le poète Jean-Baptiste Clément; Louis Charles Delescluze, Benoît Malon, Eugène Varlin et le révolutionnaire hongrois Léo Frankel, exilé à Paris.

 

En deux mois d’existence, la Commune met en œuvre des réformes novatrices au plan institutionnel et social. Elle institue des commissions d'arrondissement qui organisent l'assistance communale, ouvrent des ateliers pour les sans-travail et gèrent les écoles.

 

Elle adopte des mesures progressistes en faveur des plus démunis, dont la remise des loyers, l’échelonnement des échéances commerciales; l’interdiction des amendes sur salaire dans les ateliers et du travail de nuit pour les ouvriers boulangers. La conscription fut abolie et l'armée permanente supprimée.

 

Certaines de ces réformes anticipent sur l'œuvre de la IIIe République. Ainsi, la Commune proclame la séparation de l'Église et de l'État et, plus de dix ans avant Jules Ferry, elle institue l'enseignement gratuit, laïc et obligatoire.

 

D'autres mesures ont un caractère encore plus révolutionnaire. Dans le domaine du travail, la Commune se propose de mettre en pratique un “socialisme de l'association”, dans la tradition de 1848. Les entreprises de l'État et de la Ville sont “communalisées” et confiées à la gestion de leurs ouvriers. La Commune décrète la confiscation des ateliers abandonnés par les patrons et leur remise aux ouvriers organisés en coopératives de production. Elle n'aura pas le temps de mener à bien son projet de réorganisation de la justice, qui prévoyait la fin de la vénalité des charges des officiers publics.

 

Cependant, l'essentiel des efforts de la Commune est dirigé contre Versailles. Thiers a reformé son armée avec l'appui de Bismarck et resserré l'étau autour de la capitale. Le rapport de forces est triplement défavorable à la Commune : elle est isolée du reste du pays, des divisions internes la minent, elle a un armement inférieur.

 

Dès le 2 avril, “les Versaillais” bombardent Paris. Les “sorties” manquées, les défaites militaires, exacerbent les tensions au sein du Comité de salut public formé le 28 avril. D'ultimes mais vaines tentatives de négociation entre la Commune et Versailles accentuent la démobilisation des Parisiens.

L'échec de la Commune de Paris est encore facilité par son isolement dans le pays. Elle s'oppose à la majorité rurale et conservatrice de la France, et les quelques “communes” qui se sont déclarées, fin mars 1871, à Marseille, Lyon, Saint-Étienne, Le Creusot, Toulon et Narbonne, ont été rapidement écrasées.

 

La Semaine sanglante va marquer la fin, dans le sang, de l’aventure communarde, écrasée par les Versaillais avec toute la violence et la hargne de ceux qui ont peur de voir basculer l’ordre ancien au profit de la République. Le 21 mai, les versaillais entrent dans Paris. Pendant une semaine, la guerre civile fait rage, marquée par les bombardements, les combats de barricades, les incendies. Le 27 mai, un dernier groupe d'insurgés est massacré ici même, au Père-Lachaise. Le lendemain, la dernière barricade tombe rue de la Fontaine au Roi. Les Versaillais font 40 000 prisonniers. Dans les jours qui suivent, les tribunaux multiplient les condamnations à mort et à la déportation en Nouvelle-Calédonie et en Algérie On compte finalement 30 000 morts du côté des insurgés.

 

La Commune est donc vaincue mais elle n’est pas morte. Elle tient une place majeure dans l'histoire du mouvement ouvrier en raison d'une large participation des travailleurs, du caractère socialiste de son programme et de la répression féroce dont elle fut victime. Le mur des Fédérés, où eurent lieu les exécutions du 27 mai, le chant de l'Internationale, composé pendant la Semaine sanglante, en perpétuent le souvenir ainsi que les nombreux ouvrages écrits sur le sujet dont la Guerre civile en France, de Karl Marx .

 

Dernière révolution que connaît la France au XIXe siècle, la Commune est le point culminant de l'affrontement entre bourgeois et révolutionnaires. Si, comme l'écrit l'historien François Furet, “l'écrasement brutal de l'insurrection écarte le danger [révolutionnaire] pour longtemps ”, si la République conservatrice sort vainqueur, le souffle de la Commune se retrouve dans la mobilisation des dreyfusards, dans le combat pour la laïcité qui ne sera gagné qu’en 1905, dans la naissance et l’essor du mouvement socialiste puis plus tard dans la victoire du Front populaire.

 

Surtout, la Commune est un mouvement socialiste et patriotique. Elle montre que le peuple se bat contre les injustices sociales, mais aussi lorsqu'on le prive de ce qui est le bien précieux de ceux qui n’ont rien : la Patrie et son indépendance. C’est en cela qu’elle peut et doit encore servir de référence et d’exemple aux Républicains qui, comme nous, défendent à la fois la République, le socialisme et l’indépendance de notre pays.

 

Cent trente deux ans après, dans un contexte heureusement très différent, nous n’avons connu ni la misère de la guerre, ni la honte de la défaite, nous retrouvons pourtant bien des éléments de cette situation. Certes, le Président de la République vient de montrer, avec éclat, que la France existait encore, que la France pouvait parler au monde, que la France pouvait s’opposer à l’hyper-puissance, avec une efficacité limitée, elle n’a pu empêcher le conflit d’avoir lieu, mais quand même avec une efficacité certaine sur les plans politique, diplomatique et juridique, le conflit est resté illégal. Certes, donc, Jacques Chirac vient de redonner une certaine fierté à la France. Mais, il semble s’arrêter quelque peu à la beauté, sinon du geste, du moins du verbe.

 

Pour affirmer l’indépendance de la France, on ne peut se limiter à la seule affaire de l’Irak ou même plus largement à la seule situation du Moyen Orient. En prenant cette position, non seulement la France s’attire les foudres des Etats-Unis, mais risque de se trouver bientôt dans une impasse, si elle s’arrête à peine le chemin amorcé.

 

Mais le plus choquant, le plus insupportable est le silence des têtes baissées. Pas un cri, pas un mot pour dénoncer l’équipe au pouvoir aux USA. Les nouveaux bourgeois de Calais ne réagissent ni aux provocations, ni aux menaces, ils dédramatisent, ils s’inclinent, veulent rentrer dans le rang en silence. Pourquoi ? Depuis des décennies, la France ou tout au moins ses élites se laissent glisser sur la pente du renoncement. Souvenons-nous, il y a un quart de siècle, Valéry Giscard d’Estaing, alors Président de la République, demandait aux Français de la modestie et donc de l’abandon, parce qu’ils représentaient à peine 1 % du genre humain. Aujourd’hui, le même Valéry Giscard d’Estaing, Président de la convention pour l’avenir de l’Europe, propose aux Français de se fondre dans une constitution européenne. Pourtant, on a bien vu ; pourtant on vient de voir, l’Europe puissance, l’Europe indépendante, nos partenaires n’y croient pas, n’en veulent pas. Ils veulent le lien transatlantique, c'est-à-dire le maintien de la laisse avec l’hyper-puissance. Et, les pays de l’élargissement sont les premiers à exiger l’argent des fonds structurels européens, tout en se conformant aux volontés des Etats-Unis et en achetant dans ce pays leur armement, alors que l’équivalent est aussi fabriqué en Europe, et notamment en France. Pour une part, les difficultés de GIAT ou d’EADS viennent de ce comportement, de cette faiblesse.

 

Pour construire cette Europe, qui n’est qu’une sous-Amérique, on ne demande pas à la France de renoncer seulement à son indépendance. On exige aussi qu’elle démantèle le coeur de sa vitalité économique. La France doit casser ses services publics. La France doit déconstruire sa protection sociale. Les Français sont sommés de se livrer, poings et pieds liés, à la main invisible du marché. C’est bien la République dans son contenu social, dans son contenu abouti qui est menacé, qui pourrait être emporté.

 

Oui, nous commémorons la Commune de Paris, non au nom de je ne sais quel devoir de mémoire, mais parce que la Mouvement Républicain et Citoyen place son action dans la longue durée de l’histoire de France. Nous savons ce que nous devons à ceux qui nous ont précédé, à leurs sacrifices, à leurs efforts, à leur travail. Nous espérons laisser à ceux qui nous suivront une France plus forte, plus riche, plus égalitaire, bref une France vraiment républicaine, une France où la République sera enfin accomplie parce qu’elle sera la République sociale.

 

Vive la sociale.

Vive la République.

Vive la France.

Paris, le 18 avril 2003

 

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