Jean-Louis BOUVARD (collectif confédéral CGT sur les retraites )

BN de l'UFICT-Métaux

 

 « opposition factices »

 

Tout d’abord je tiens à remercier votre organisation pour cette journée. Et je voulais dire que pour moi il est difficile de distinguer avec qui et comment. Le développement du mouvement social passe par la prise de conscience des convergences d’intérêts des différentes catégories sociales.

Cette prise de conscience passe elle, par l’identification  précise par chaque partie du corps social de la façon dont elle est concernée dans un premier temps, savoir ce qu’elle est elle-même, pour comprendre à partir de sa problématique propre, celle des autres parties du corps social et identifier à partir de là différences, convergences voire identité.

A l’inverse ceux qui ne souhaitent pas le développement de ce mouvement cultive les différences objectives, pour les structurer en oppositions.

Je vais partir, pour illustrer mes propos, de la réforme des retraites en recadrant la situation.  Ne sous estimons pas la nécessité de la réforme au regard des problèmes démographiques à venir dans les prochaines années, au regard des inégalités et injustices du système actuel  dont la principale est la différence d’espérance de vie liée aux différences de condition de vie et de travail, conditionnée elle-même pour l’essentiel par le travail lui-même.  Cette inégalité devance celle de la différence de taux de remplacement (rapport entre revenu d’activité et retraite) de l’âge de départ à la retraite.

Nous voulons débattre des objectifs et des moyens de la réforme qui concerne actifs, retraités, futurs actifs.

Ce sont bien les objectifs et les moyens de cette réforme qui fondent la nécessité du développement du mouvement social, en mesurant 3 éléments principaux qui font que le sujet est loin d’être épuisé, d’être bouclé.

1.   la question de la retraite n’est en rien réglée puisque la réforme mise en place n’est pas financée et donc on y reviendra forcément dans 2 ou 3 ans ;

2.   Son application concrète passe par la publication de plusieurs douzaines de décrets qui chacun peut être l’objet de mobilisations, de luttes, catégorielles, sectorielles ou plus larges.

3.   pour 16 millions de salariés actifs et 10 millions de retraités la question des retraites complémentaires qui représentent de 30 à plus de 66% DE LA RETRAITE TOTALE EST PENDANTE aux résultats des négociations qui s’engagent avec le MEDEF dans les mois qui viennent.

 

Pour en venir au cœur de mon propos sur quelles différences patronat et gouvernement s’appuient-ils pour tenter de structurer des oppositions, pour tenter de tenir à l’écart de la mobilisation certaines catégories de la population concernées.

Nous en identifions 3 principales

Public/privé

Actifs/retraités

Jeunes/salariés âgés

 

PUBLIC/PRIVE

 

En mettant l’accent sur la différence de durée de cotisations alors que les 2 éléments essentiels pour un individu en matière de retraite est le niveau de la pension et l’âge de départ en retraite, les tenants de cette réforme se sont bien gardés de montrer qu’aujourd’hui les taux de remplacement du public et du privé et les âges de liquidation de la retraite n’était pas sensiblement différents. Qu’historiquement les régimes du privé ont convergé vers ceux du public jusqu’en 1987 les niveaux du privé dépassant même ceux du public : en moyenne les carrières y étant pour les hommes plus souvent complètes, les retraites complémentaires ayant atteint leur maturité. La réforme Balladur Veil et les accords sur les retraites complémentaires des années 90 ont renversés cette tendance, le taux de remplacement du privé redescendant progressivement sous ceux du public.

Les différences essentielles entre public et privé ne sont pas la durée de cotisation puisque c’est d’abord l’âge qui détermine le départ en retraite la durée de cotisation déterminant le niveau de la pension .

 

Les différences essentielles sont avant la réforme,

 

 

 

 

 

 

 

-         des pensions dans le privé qui se rapprochent d’une moyenne de carrière avec le passage de la référence des 10 meilleurs années aux 25 meilleurs années pour le régime général et le système par points des régimes complémentaires les pensions du public étant elles liées au dernier traitement indiciaire ;

-         le système de décote existant dans les régimes du privé

-         -l’indexation différente : sur les prix pour le régime général du privé, arbitraire pour des retraites complémentaires, les retraites du public étant indexé sur les salaires et les retraités du public pouvant bénéficier de mesures indiciaires

 

Le retour aux 37,5 annuités dans le privé et le maintien pour tous de ce critère ne serait qu’un pis aller puisqu’il ne garantirait pas le départ à taux plein à 60 ans ni dans le public ni dans le privé au regard des âges du premier emploi tendanciellement toujours plus élevé en raison de l’augmentation de la durée des études elles-même liées au développement des sciences, des techniques, des savoirs nécessaires mis en œuvre dans le travail.

Aujourd’hui l’âge du premier emploi en moyenne dans le privé est d’environ 22 ans et de plus de 23 ans dans le public.

Le retour aux 37,5 annuités ne permettrait qu’à moins de la moitié de la population salariée d’espérer partir à taux plein à 60 ans.

 

La véritable convergence d’intérêt entre public et privé c’est la garantie du taux plein à 60 ans pour une carrière complète.

 

Une autre différence essentielle est le sous emploi qui pèse essentiellement sur le privé. . Pour 16 millions de salariés du privé pèsent directement les 4 millions de chômeurs indemnisés ou non les 60% d’embauches en contrat précaire…

 

Enfin la question du taux de syndicalisation

 

Globalement 9% toutes organisations confondues, 4% dans le privé avec des millions de salariés qui n’ont aucune présence syndicale dans leur entreprise.

 

Dans ce contexte inédit par rapport aux grands mouvements sociaux du siècle dernier il nous faut réfléchir de façon renouvelée à la construction des rapports de forces.

 

Actifs- retraités

 

Les organisations syndicales ont constaté un engagement moindre des retraités par rapport aux précédents mouvements sur les retraites qu’il s’agisse du mouvement de 95 concernant le public ou celui de 2000/2001 concernant les retraites complémentaires du privé.

D’autre part s’exonérant du principe de solidarité certaines organisations de retraités ne préconisent que le maintien de leur niveau de vie relatif, affirmant que l’allongement de la durée de cotisations pour les autres est la seule solution structurant ainsi un conflit d’intérêt entre actifs et retraités.

 

S’appuyant sur le principe qu’une retraite liquidée ne pouvait être remise en cause, les tenants de la réforme ont masqué les objectifs réels de baisse de la valeur relative des pensions après la liquidation par une indexation sur les prix.

En 20 ans les pensions perdraient 30% de retard sur les salaires moyens, sur le SMIC.

La désindexation est un facteur de désocialisation des retraités, de leur marginalisation, avec des conséquences macro-économiques importantes la satisfaction des besoins spécifiques des retraités étant générateur d’une croissance riche en emplois.

 

Les questions d’indexation sont bien au cœur du devenir des rapports actifs/retraités.

Les retraités sont pleinement concernés par la réforme actuelle.

 

JEUNES ET SALARIES AGES

 

 

Le matraquage sur le devenir du système par répartition sur les difficultés financières réelles ou supposées des régimes sur l’obligation dans ce cadre d’augmenter considérablement et sur une longue période les cotisations aux bénéfice des plus anciens, tendent à structurer des tentatives de sortie du système vers des statuts de travailleur indépendant.

Le rapport avec le donneur d’ordre, l’employeur réel, ne serait plus un rapport salarial mais un rapport commercial, avec tout ce que cela comporte de mise en concurrence avec les salariés plus âgés.

Gouvernement et patronat tentent d’utiliser comme masse de manœuvre tous ceux qui pourraient bénéficier de mesures particulières.

Départ anticipés pour longue carrière, pour travaux pénibles.

Les aspirations, les exigences face à la dégradation de la santé à la faiblesse de l’espérance de vie pour certains métiers sont fortes je pense là, en particulier aux salariés ayant subi l’amiante le benzène les poussières diverses et autres poisons.

Certains conditionnent la mise en œuvre de ces mesures à la prise en charge par les seuls actifs du coût de ces départs anticipés exonérant les entreprises de leur responsabilité au seul nom du maintien de la rentabilité des capitaux engagés, générant là encore conflit d’intérêt entre salariés

 

A l’inverse nous pensons que le débat doit s’engager sur une autre répartition des richesses créées par le seul travail.

 

Le développement du mouvement social suppose que chacun réévalue ses objectifs, ses pratiques.  

 

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